TEXTES

                                   Eloge du pastel
            


 Il y a quelque chose de l'enfance dans le pastel.
     De ces bouts de craie sous le tableau de l'école. De la première boîte de crayons de couleur.
     Puis, bien après, de petits bâtons de pigment amalgamé, fragiles.
     Et ça tombe en poussière, parfois en désuétude,ça se casse,ça s'effrite, ça se loge sous les ongles.
     On en répand.Evidemment. On a beau y mettre de la délicatesse,on est vite emporté par la danse.Etonnant ballet, celui de l'oeil, qui revient sans cesse du vaste infini au petit carré de papier. Etrange chorégraphie de la main qui volète, qui pioche une couleur"presque" au hasard, caresse, nourrit, écrase,estompe, comme un moineau affairé.
     Je reste toujours émerveillé par ce processus à la fois très contrôlé, intimement pensé, mais qui participe aussi du "lâcher prise" et de la spontanéité.
     Equilibre précaire s'il en est, nécessaire.
     Alchimie de particules aléatoires.
     Au bout du compte, avec force habiles mensonges et, pour le moins un peu de doigté, on arrive à caser un petit bout d'univers dans quelques centimètres carrés.
     Tous les subterfuges sont possibles.
     La nature est longue à apprivoiser, alors on trafique, on          bidouille, on éteint une lumière, on réchauffe une ombre, on s'arrange.
     On passe un deal. 
     Chaque couleur en aime une autre, sauf qu'on ne le sait pas à l'avance...
     Accordeur de tons.
     Ode au sensible.
     Eloge du fragile.



                                      Hervé Louis 


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           Texte pour l'expo '' Dans le ciel '' en Janvier 2000
           au Temple de Chauray.


     Cela commence par une infime clarté, une écharde dans le bois de la nuit, une présomption de rose. A ce point du jour, des questions viennent s'embuer à la fenêtre, chaque jour plus incontournables, obsédantes. Quel sera le ciel d'aujourd'hui ? De quoi sera t'il fait ? Comment en garder la trace ?
Les idées naissent comme les autres, se révèlent à la lumière, s'affinent, et celle-ci, particulièrement, devait s'appuyer sur le crépuscule du siècle.
Donc, du 1er janvier au 31 décembre 1999 j'ai entrepris de peindre, chaque jour, un bout de ciel, et de tout réunir en une exposition pour le début de l'année 2000 sur les 365 ciels de 1999.
Année essen-tielle s'il en est...
Clin d'oeil à ceux qui gardent encore le nez en l'air, un souffle, un bol d'oxygène pour ceux qui ne décollent pas de leur logi-ciel. Une respiration dans les trépidations de cette fin de millénaire, une part de rêve pour celui à venir.
Un jeu, un pari, la réalisation d'une fascination qui vient de l'enfance pour ces lieux de l'imaginaire, de l'inaccessible, car qu'est-ce que l'on voit là haut sinon plusieurs épaisseurs de lumières et un peu de vapeur d'eau ?...
Rien d'autre. Du vent.
C'est juste au dessus de nos têtes, il suffit de prendre un peu de temps, d'avoir la patience du bleu.

                                                                        Hervé Louis